La chimie du stévia rebaudiana


Document extrait de l'Agriculture et Agroalimentaire Canada

Le stevia, l’édulcorant hypocalorique naturel

Personne-ressource: Dr Jim Brandle


Agriculture et Agroalimentaire Canada a mis sur pied un important projet de recherche visant à mettre au point un système de production du stevia et, par sélection, à optimiser ses caractéristiques sensorielles. Le stevia est une plante qui produit divers édulcorants hypocaloriques puissants dans ses tissus foliaires. On utilise les édulcorants tirés du stevia dans un certain nombre de pays, dont le Japon, le Brésil et la Chine. Ici, en Amérique du Nord, la popularité grandissante des aliments naturels a suscité beaucoup d’intérêt pour le stevia.

Stevia rebaudiana Bertoni est l’un des 154 membres du genre Stevia. Il appartient à la famille des Composées et est ainsi apparenté, entre autres, au tournesol et aux soucis. Les feuilles de stevia sont alternes et présentent un type de développement herbacé. Ses fleurs, petites et blanches, affichent une gorge mauve pâle et sont disposées en inflorescences indéfinies. Leur pollen peut être très allergène. Le stevia est autostérile et probablement pollinisé par les insectes. Les graines sont petites, renferment très peu d’endosperme et sont dispersées dans le vent par le moyen d’un pappe duveteux.



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La plante connue sous le nom de stevia est originaire de la vallée de Rio Monday dans le nord-est du Paraguay. On retrouve le stevia sur les bords de terrains marécageux, sur des sols sableux, infertiles et acides ou des sols organiques. L’Espagne avait déjà entendu parler du stevia au XVIesiècle grâce aux conquistadors, mais la plante est restée méconnue jusqu ’à ce que M.S. Bertoni la porte de nouveau à l’attention des Européens en 1888. Elle était cependant connue depuis longtemps des indigènes Guarani de sa région d’origine. Les Guarani l’appelaient caá-êhê, ce qui signifie herbe sucrée, et ils l’utilisaient pour sucrer les boissons amères comme le maté.

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(Figure ci-dessus tirée de Smith et vanStadin, 1992; South Afr. J. Sci. 88:206)

Les composés sucrés que l’on retrouve dans les feuilles du stevia sont des glycosides diterp éniques. Leur synthèse emprunte à peu près, du moins dans les premières étapes, la mê me voie que celle de l’acide gibbérellique, une phytohormone importante. Les voies biosynthétiques de ces glycosides et de l’acide gibbérellique divergent au niveau du kaurène. Chez le stevia, le pinène (laurène) est transform é en stéviol, molécule qui forme le « squelette» des glycosides sucrés, puis le stéviol est glycosylé ou rhamnosylé pour former les principaux édulcorants. Les composés précurseurs sont synthétis és dans le chloroplaste, transportés dans le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi, puis vacuolisé s. On ne connaît pas encore très bien le rôle de ces composés dans la plante, mais leur concentration élevée dans les feuilles et la conservation de cette voie chez l’espèce indiqueraient qu’à un certain point de l’évolution, leur présence conférait un avantage certain aux plants qui en possédaient. Des chercheurs estiment qu’ils peuvent agir à titre de répulsifs de certains insectes, alors que d’autres spéculent qu’ ils agissent dans le cadre d’une voie complexe de régulation de la concentration de l’acide gibbérellique.

Les principaux glycosides du stevia sont les suivants:

Image:Les deux autres glycosides qui peuvent être présents dans les tissus de la plante sont les rebaudiosides D et E; le rebaudioside B a été détecté, mais il s’agit probablement d’un artéfact formé au cours de l ’isolement. Les proportions (p/p) des quatre principaux glycosides sont normalement : stévioside (5-10%), rebaudiosideA (2-4%), rebaudiosideC (1-2%) et dulcosideA (0,5-1%). Leur pouvoir édulcorant est de 40 à 250 fois plus élevé que celui du sucre. Un certain nombre de génotypes du stevia comportant des proportions anormales de glycosides ont été signalés dans la littérature scientifique et ont fait l’objet de brevets en Corée et au Japon. On sait depuis quelque temps que le rebaudiosideA présente les meilleures propriétés sensorielles (le plus sucré, le moins amer) des quatre principaux glycosides du stevia. Comme ces glycosides supportent les variations de température et de pH, qu’ils sont non fermentescibles et qu’ils ne noircissent pas à la cuisson, ils ont une foule d’applications en alimentation.

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À l’échelle de la plante, les glycosides du stevia ont tendance à s’accumuler dans les tissus avec l’âge, de sorte que les feuilles inférieures plus vieilles ont une concentration plus élevé d’ édulcorants que les jeunes feuilles supérieures. étant donné que les chloroplastes sont importants dans la synth èse des précurseurs, les tissus dénués de chlorophylle comme les racines et la partie inférieure de la tige renferment peu ou pas de glycosides. Les concentrations de glycosides diminuent dans les feuilles avec la floraison.

Image:Nos activités de sélection et de production sont centrées à la station de recherche de Delhi, laquelle fait partie du Centre de recherches du Sud sur la phytoprotection et les aliments (CRSPA) d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le personnel de la station de recherche de Delhi a beaucoup d’expérience dans l’élaboration de nouvelles cultures.

Le programme de recherche repose sur un système d’analyse à haut rendement basé sur un appareil de HPLC mis au point par Bill Court. Ce système comporte un certain nombre d’améliorations par rapport aux anciennes méthodes et permet d’analyser rapidement et efficacement le grand nombre d’échantillons générés par les programmes de sélection et de production.

Photo: Extraction de glycosides dans les laboratoires d’analyse d’AAC

Extraction de glycosides dans les laboratoires d’analyse d’AAC

 

Photo: Transplantation de stevia à l’aide d’une planteuse de mottes à trois rangs

Transplantation de stevia à l’aide d’une planteuse de mottes à trois rangs

 

Photo: Culture commerciale de stevia à la fin de l’été, près de Delhi (Ontario)

Culture commerciale de stevia à la fin de l’été, près de Delhi (Ontario)

 

Photo: Expériences de sélection en serre durant la contre-saison

Expériences de sélection en serre durant la contre-saison

 

Photo: La récolteuse de stevia en action (conçue et construite par Peter White, Station de recherche de Delhi)

La récolteuse de stevia en action (conçue et construite
par Peter White, Station de recherche de Delhi)

Des études, en collaboration avec Bob Roy d’AAC, qui avaient pour but d’établir les paramètres agronomiques de base nécessaires pour cultiver le stevia (p.ex. densité de semis, engrais, irrigation, etc.), ont permis de mettre au point un système de production commerciale de base. Les nouveaux résultats obtenus permettent d’optimiser constamment les él éments du système.

Le programme de sélection fait partie du groupe de génétique de Jim Brandle à AAC. Le programme a pour but d’améliorer les propriétés culturales, sensorielles et de résistance à la maladie du stevia. Nous avons opéré un certain nombre de cycles de sélection à partir du matériel obtenu grâce aux premiers travaux de sélection de Jim Brandle, et nos travaux visant l’obtention d’un cultivar de stevia optimal en termes de coû t et d’utilité pour le consommateur sont en net progrès. Les résultats de nouvelles expériences en génétique classique, en génomique et en biologie moléculaire s’ajouteront prochainement à ce tableau remarquable.

Photo: Plant de stevia en culture de tissus, Dr Dan Brown (AAC)

Plant de stevia en culture de tissus, Dr Dan Brown (AAC)

La septoriose peut être à l’origine d’importantes pertes de récolte de stevia. Le Dr Rick Reeleder d’AAC a mis au point des méthodes de lutte contre cette maladie qui s’intègrent aux activités déployées dans le cadre des programmes de sélection dans ce domaine.

Photo: Septoriose sur les feuilles inférieures d’un plant de stevia dans un champ (à droite)

Septoriose sur les feuilles inférieures d’un
plant de stevia dans un champ (à droite)

Voie biosynthétique des glycosides du stevia

Image: Voie biosynthétique des glycosides du stevia

Les glycosides du stevia sont synthétisés à partir de l’acide mévalonique, comme tous les isoprénoïdes. Les étapes jusqu’à la formation de l’acide ent-kaurénoïque sont identiques à celles de la synthèse de l’acide gibbérellique (phytohormone). Nous avons cloné et séquenc é le gène de la copalylpyrophosphate-synthase du stevia responsable de la conversion du GGPP en CPP. L’hydroxylation de l’acide ent-kaurénoïque au niveau du C13 pour donner le stéviol est le point de divergence. Après la formation du stéviol, des chaînes latérales de glycanes renfermant du glucose et/ou du rhamnose s’ajoutent au groupement alcool en C13 et au groupement carboxylate en C19 pour former les divers glycosides du stevia.

Le génome du stevia

Image: Le génome du stevia

Le génome du stevia comprend un jeu de base de 11 chromosomes. Nous avons construit une carte de liaison du génome à l’aide de 183 marqueurs RAPD qui a permis de classer le génome du stevia en 21 groupes de liaison couvrant une distance totale de 1389cm.

Source: http://sci.agr.ca/london/faq/stevia_f.htm

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